Sea of love* : sur Mer agitée à très agitée de Sophie Bassignac - une lecture critique de Stéphane
Sophie Bassignac est épatante, elle nous surprend à chaque fois, avec ses univers très personnels. Elle fait parti des écrivains français que je lis avec plaisir (comme ils sont finalement rares, j'en profite pour le signaler).
Ca débute comme ça :
"Adossés à la rampe du premier étage, Maryline et William Halloway regardaient leur fille unique, Georgia, écumer de rage en secouant son épaisse chevelure. Elle rappelait à William la Janis Joplin de la fin, la souillon grasse et magnifique qui hurlait dans des aigus stridents son désespoir définitif."
Maryline et William ont quitté les Etats Unis, la gloire et le strass de la scène (musicale pour William et de la mode pour Maryline) pour éviter que William finisse comme tant d'autres rock stars, à la morgue. Sevré, après plusieurs années où les embruns ont remplacé les drogues, le couple est heureux. Maryline a repris l'étrange maison familiale et en a fait une maison d'hôte. William gratouille dans son studio et profite de cette vie pépère, fait occasionnellement la nouba avec deux amis.
Un matin, le corps d'une jeune fille est retrouvée dans la crique devant la maison. William était justement en vadrouille avec des amis, la nuit précédent la découverte. Beaucoup plus grave, le policier chargé de l'affaire est Simon, "Simon l'amour de jeunesse dont elle gardait encore des traces sur le corps, Simon son frère de la côte, celui par qui le désir puis le plaisir étaient arrivés et qu'elle avait abandonné sans explication pour aller faire sa vie ailleurs."
La tempête vient d'envahir la maison. La mère va, effectivement, devenir très agitée.
L'intrigue policère est là, peut-être pour ceux qui ne pourraient pas se contenter de ce formidable triangle amoureux, bien entourré par une galerie de personnages qui participent réellement à notre plaisir (les japonais de passage, Georgia, Herr l'antiquaire bizarre, Annick et son mari violent, etc.) Sophie Bassignac sait croquer ses personnages avec talent : "C'était une enfant dans un corps de femme, grosse par misère et revêche par timidité."
Rythmé par les chansons reprises par William en écho au contexte (avec une très belle playlist) qui fait avoir à Maryline "l'impression de vivre dans une comédie musicale", le roman fonctionne à merveille.
Sophie Bassignac explore avec justesse les remous des sentiments et surtout le ressac provoqué par le retour de "l'étalon or de l'amour absolu".
Je pense toujours que le marathon lecture pour le Prix Landerneau me sèvre du roman français pour quelques semaines... Et pourtant, à peine sorti de deux mois de lectures Landerneau, après Laurent Graff, je me suis précipité sur Sophie Bassignac.
Plongez, vous aussi!
Signé Stéphane
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* Parce que la mer qu'on voit danser n'allait pas ici... Donc, Tom Waits! LA !