eiπ + 1 = 0 : sur La formule préférée du professeur de Yoko Ogawa - une lecture critique de Pierre
Elle est une aide ménagère qui se débat pour vivre avec son enfant de 10 ans qui, lui, est passionné de base ball. Son tout nouveau job proposé par l'agence qui l'emploie est un poste chez un vieux professeur qui, suite à un grave accident n'a plus qu'une mémoire de quatre-vingt minutes. Oubliant tout après quatre vingt minutes, il redécouvre son entourage à chaque fois. Mais ce professeur bien particulier qui doit s'attacher des petites notes à son costume pour se souvenir choses quotidiennes est aussi un grand mathématicien.
Un jour, cette aide amène son fils à son « travail ». L'enfant et le vieil homme se prennent tout de suite en amitié. Sur fond de mathématiques et de base ball c'est la subtile alliance de ces trois là qui va donner le sujet du roman.
Extraits :
« Ce sont les nombres premiers que le professeur a aimés le plus au monde. Je connaissais leur existence bien sûr, mais l’idée ne m’avait jamais effleurée qu’ils puissent constituer un objet d’amour. Cependant, même si l’objet était extravagant, la manière d’aimer du professeur était tout à fait orthodoxe. Il éprouvait pour eux de la tendresse, de la dévotion et du respect, il les caressait ou se prosternait devant eux de temps en temps, et ne s’en séparait jamais. »
« L’intuition, c’est important. On attrape les mathématiques avec l’intuition, comme un martin-pêcheur fond soudainement sur l’eau par réflexe, dès qu’il aperçoit l’éclat d’une nageoire dorsale dans la lumière. »
« J’ai observé alternativement mes mains et les plats que j’avais préparés. Le porc sauté décoré avec le citron, la salade de légumes, l’omelette jaune et souple. Je les ai regardés l’un après l’autre. Ce n’étaient que des plats simples, mais ils avaient l’air délicieux. Des plats apportant du bonheur en cette fin de journée. J’ai à nouveau baissé le regard vers mes paumes. Je me sentais bêtement satisfaite, comme si je venais d’accomplir une tâche importante, comparable à la démonstration du dernier théorème de Fermat. »
Les personnages:
La mère, aide ménagère qui lutte pour survivre.
Le fils, surnommé Root, fou de base ball qui va amener petit à petit le professeur à s'ouvrir au monde extérieur.
Le professeur, génial mathématicien qui a perdu la mémoire courte mais gardé toute son intelligence des nombres.
Et aussi :
A voir un petit site très sympa:
http://yokoogawa.blogspot.fr/2008/05/la-formule-preferee-du-professeur.html
Une adaptation au cinéma (pas trouvé en français/ anglais, je suis preneur !)
La formule préférée du professeur ? C'est l'identité d'Euler "la formule la plus remarquable du monde" :
Sans oublier le fameux joueur de base ball qui a vraiment existé.
Du même auteur :
A mon humble avis :
Avec une subtilité et une délicatesse infinie, l'auteur nous fait rentrer dans l'univers un peu décalé de ce trio. La mère, l'enfant et le vieux professeur à la mémoire abimée qui vont se rencontrer et partager leurs vies. Le professeur va nous entrainer dans un univers où les mathématiques deviennent de la poésie et où les nombres sont les étoiles qui guident sa vie.
La tendresse qui relie ces trois là a de quoi vous faire chavirer. Délicat, doux, c'est un roman transgénérationnel où une aide ménagère s'attelle à comprendre les mystères des nombres et où un enfant comprend l'univers d'un vieil homme. L'innocence et la pureté des émotions, l'empathie ouvrent les voies de la communication. Avec ce livre je suis sûr que plus d'un vont avoir une autre vision des mathématiques. Quel beau roman ou littérature et maths cohabitent avec brio. A lire, évidemment.
Signé Pierre