Je me souviens : sur L'arabe du futur de Riad Sattouf - une lecture critique de Gaëlig
« Ce livre raconte l’histoire vraie d’un enfant blond et de sa famille dans la Libye de Kadhafi et la Syrie d’Hafez Al-Assad. »
C’est toujours un plaisir de retrouver Riad Sattouf, qui depuis Les pauvres aventures de Jérémie, La vie secrète des jeunes et Retour au collège, nous ravit à chaque fois par son dessin et son humour illustrant les vies de personnages adolescents. Thème qu’il a d’ailleurs retrouvé dans son premier -très bon- long métrage en 2009 : Les beaux gosses.
Il use de son humour cinglant et moqueur dans la série BD drôllissime Pascal Brutal , où ce héros, pour une fois aux antipodes de lui-même, est un macho imbécile.
Son nouvel opus L’arabe du futur,
premier volet d’une série narrant Une jeunesse au Moyen-Orient (1978-1984) vient de sortir aux éditions Allary.
Riad Sattouf nous livre ses souvenirs de sa plus tendre enfance, partagée entre la Libye, la Bretagne (sa mère est du Cap Fréhel) et la Syrie, où son père est né et a grandi.
Des souvenirs racontés sous formes d’anecdotes plus ou moins drôles (parfois hilarantes) sur son père, ses nombreux cousins syriens, le regard des gens sur ce petit bonhomme aux cheveux d’or, sur les traditions au Moyen-Orient comme en Bretagne…
Mais, même s’il tourne la plupart des épisodes sur le ton de l’humour, on ne peut oublier quelques passages effrayants et dérangeants de la vie des Lybiens et Syriens dans ces années là. Les lois en Lybie, « l’Etat des masses populaires », où les maisons sont gratuites et à tout le monde (il faut donc qu’au moins une personne reste constamment à l’intérieur pour éviter qu’une autre famille l’investisse!) : « La Libye est le pays le plus avancé du monde. Tu vas vite t’en rendre compte » dit un homme au père de Riad, à leur arrivée là-bas.
Le culte des dictateurs, la religion, bien que nous soyons plus ou moins au courant des pratiques des Musulmans dans leur pays, continuent à surprendre par leur violence et leur intolérance. Riad Sattouf nous conte donc quelques épisodes où des enfants massacreront un chiot en s’amusant puisqu’il est considéré comme « un animal impur par la tradition musulmane », ou encore comment Riad se fait traiter de «sale juif » à tout bout de champ par ses cousins parce qu’il n’est pas musulman…
Il y a aussi la pollution, le manque de services publics, mais aussi les bons moments avec les grands-mères, les jeux avec les petits voisins, l’école en campagne bretonne…
Riad Sattouf voulait aussi, à travers cette autobiographie, montrer un peu aux gens ce pays : “La Syrie n’a jamais été aussi connue que depuis la guerre, c’est malheureux. Mais, en réalité, les gens ne savent pas grand-chose de ce pays, pour ne pas dire rien. C’était aussi l’occasion d’en parler. »
La figure du père est également omniprésente, et Riad en fait un personnage de bande dessinée fabuleux. Intrigant, drôle, mais aussi agaçant et bourré de contradictions. Un peu à l’écart de la religion et des traditions, il revient au Moyen-Orient après de nombreuses années passées en France et essaye de s’intégrer en lisant « le Petit livre vert » de Kadhafi en Lybie, et le Coran en Syrie. Il pousse son fils vers l’école syrienne alors même que celui-ci ne maîtrise pas encore l’arabe. Comme s’il ne se rendait pas compte des absurdités de la vie syrienne, trop pris dans ses propres souvenirs d’enfance et son besoin de retrouver ses racines.
Après cette lecture passionnante, on n'attend qu’une chose : lire la suite!
Mais en attendant, vous trouverez un peu plus de lecture ici, par exemple :
http://www.lesinrocks.com/2014/05/12/livres/riad-sattouf-11503745/
Signé Gaëlig