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SERENDIPITY

Void in my heart* : sur Réparer les vivants de Maylis de Kerangal - une lecture critique de Pierre

2 Juin 2014, 08:30am

Publié par Seren Dipity

Ils sont trois Chris (Christophe), John (Johan), et Sky (Simon), les Big Waves hunters, de retour d’une session de surf, heureux de vivre. Mais tout va changer, faux mouvement pendant la conduite du retour et tout bascule. Sky se retrouve en Glasgow 3 (coma profond), le verdict est définitif et fatal, il est déjà mort, mais ses organes sont vivants. Et c’est là que commence la course pour la récupération des organes encore en bon état et qui permettra de sauver d’autres personnes.

Entre les parents dévastés, un chirurgien qui doit choisir, le coordinateur pour les dons, une infirmière limite et toute la chaine des intervenants dans ce processus complexe du don d’organes on va vite comprendre que rien n’est simple mais qu’avec la bonne volonté de quelques uns on peut en sauver d’autres.

 

Extraits :

« La mort se présente, la mort s’annonce, tache mouvante au contour irrégulier opacifiant une forme plus claire et plus vaste, là voilà. »

« Car ce que Goulon et Mollaret sont venus dire tient en une phrase en forme de bombe à fragmentation lente : l'arrêt du cœur n'est plus le signe de la mort, c'est désormais l'abolition des fonctions cérébrales qui l'atteste »

« Il ferme les yeux en lissant son crâne du front vers l'occiput : suspicion d'hémorragie cérébrale suite à un trauma crânien, coma a réactif, Glasgow 3 - il use de cette langue qu'ils partagent, langue qui bannit le prolixe comme perte de temps, proscrit l'éloquence et la séduction des mots, abuse des nominales, des codes et des acronymes, langue où parler signifie d'abord décrire, autrement dit renseigner un corps, rassembler les paramètres d'une situation afin de permettre qu'un diagnostic soit posé, que des examens soient demandés, que l'on soigne et que l'on sauve : puissance du succinct [...] »

« Virgilio a choisi le cœur pour exister au plus haut, tablant sur l'idée que l'aura souveraine de l'organe rejaillirait sur lui, comme elle rejaillissait sur les chirurgiens cardiaques qui blindaient dans les couloirs des hôpitaux, plombiers et demi-dieux. Car le cœur excède le cœur, il l'a bien compris. Même déchu - le muscle en exercice ne suffisant plus à séparer les vivants et les morts -, il est pour lui l'organe central du corps, le lieu des manifestations les plus cruciales et les plus essentielles de la vie [...]
Il se délecte des métaphores et des figures qui le font apparaître comme l'analogie même de la vie et répète à l'envi qu'apparu le premier le cœur serait aussi le dernier à disparaître.
»

« Le cœur de Simon migrait dans un autre endroit du pays, ses reins, son foie et ses poumons gagnaient d'autres provinces, ils filaient vers d'autres corps. Que subsistera-t-il, dans cet éclatement, de l'unité de son fils? Comment raccorder sa mémoire singulière à ce corps diffracté? Qu'en sera-t-il de sa présence, de son reflet sur Terre, de son fantôme? Ces questions tournoient autour d'elle comme des cerceaux bouillants puis le visage de Simon se forme devant ses yeux, intact et unique. Il est irréductible. C'est lui. Elle ressent un calme profond. La nuit brûle au-dehors comme un désert de gypse. »

« Enterrer les morts et réparer les vivants » (phrase emprunter à Platonov de Tchékhov).

Les personnages:

L’infirmière Cordélia Owl

Le chirurgien Pierre Revol, chirurgien de talent, passionné par les plantes hallucinogènes.

Les parents de Simon, Marianne et Sean, dévastés mais dignes.

Thomas Rémige, le coordinateur pour les prélèvements d’organes. Amateur de chant d’oiseaux.

Virgilio Breva, le chirurgien qui va opérer Simon.

Et pleins d’autres.

Et aussi :

http://www.slate.fr/story/17919/greffes-scandale-donneurs-pas-morts-coma-depasse

Mais qui connait Maurice Goullon et Pierre Mollaret ? Ils vont écrire un article fondamental sur les signes avérés du coma dépassé chez une série de patients sans activité cérébrale et incapables de respirer seul, ce qui a permis de décrire les signes de la mort cérébrale, initiant l'essor des greffes d'organes (Merci Wiki).[]

C'est quoi l'échelle de Glasgow ?

Réécouter Kind of blue de Mile Davis.

Aller écouter le chant des chardonnerets.

On peut aussi aller là www.youtube.com/watch?v=h0yq-7M2SJk

Le corps du Christ mort dans la tombe de Holbein.

A lire pour les plus intéressés.

 

Et même :

A mon humble avis :

C’est ici plus qu’un roman, c’est un plaidoyer pour les dons d’organes. L’auteure déjà connue pour son talent, nous offre là un magnifique roman. Le style pur, classique et surtout la justesse des personnages nous font avancer dans ce roman au sujet des plus sombres. Avec une délicatesse infinie on avance à petit pas dans un univers difficile où tout se joue dans une période relativement courte et avec pour seul but « réparer les vivants. »

C’est pour moi un gros coup de cœur, peut-être un des meilleurs romans de cette année. Alors oui, à lire de suite.

Signé Pierre

_________________

* John Mellencamp, ICI.

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L
Tout à fait en phase avec cet article ! J'ai adoré ce roman qui est à la fois dans l'émotion et dans la "technique" !
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