Strange fruit*: sur Dernière récolte d'Attica Locke - une autre lecture** critique de Pierre
Nous sommes en 2009, Caren Gray, jeune noire descendante d’esclave travaille en Louisiane, dans la plantation qui l'a vue grandir. La plantation propriété de la Famille Clancy depuis des générations est devenue une petite entreprise touristique avec son musée, sa troupe de théâtre qui présente une pièce sur « Le sud », et toute l’équipe qui travaille au maintien en état de cette superbe demeure. Tout se passe bien jusqu’au jour où l’on découvre le corps d’une latino clandestine qui travaillait dans les champs de canne à sucre voisin sur les terres d’une grosse propriété de production de canne à sucre « Groveland ». La machine judiciaire se met en marche et Caren va peu à peu découvrir que ce crime va la conduire sur les traces de son passé.
Elle va doucement s’apercevoir que, sous les apparences tranquilles de cette belle maison, se cachent de terribles secrets impliquant une partie de sa famille (sa mère a été une servante à « Belle Vie » et Jason son aïeul noir a travaillé pour les Clancy). Caren va vite être confrontée à la vie de ces deux familles l’une blanche et riche les Clancy, l’autre noire et pauvre les Grays, dans un sud encore meurtri par toute une époque de ségrégationnisme. Elle comprend vite que dans ce monde le passé rejoint le présent.
Extraits :
« Dans mon pays natal aussi, vous savez, on a ce genre de choses. Partout où il y a du travail, quelqu'un, quelque part, posera son pied sur la tête de celui qui doit se baisser par terre pour travailler. La canne à sucre, le coton, le riz... C'est pareil. »
« Elle n'avait jamais vu une chose pareille. Caren voulut lui prendre la main, car personne ne devait vivre cet instant seul, ce face-à-face avec sa propre histoire, avec la famille qu'on ne soupçonnait pas d'avoir eue. Les cases étaient alignées sur deux rangées, trois de chaque côté du chemin. Leurs colonnes filiformes étaient comme des bras épuisés à la fin d'une longue journée de travail, presque broyés sous le poids de ce qu'on leur demandait de tenir. Les porches en bois s'affaissaient par endroits. Chaque case, dont la silhouette se découpait face au soleil tout juste couché, ne mesurait que quelques mètres de large, plus petite que certains 4x4 qu'on peut voir sur les routes américaines. »
Les personnages:
Caren Gray, jeune noire face à son passé et sa fille adolescente Morgan, qui habite à Belle vie.
Donovan Isaacs, un des acteurs des « Comédiens de Belle Vie », coupable idéal.
Raymond Clancy, « la mauviette » devenu le politicien avide et manipulateur.
Bobby Clancy, le gentil qui va se laissé embarquer dans cette sombre histoire.
Lee Owens le journaliste, bien curieux.
Loraine Banks, la cuisinière.
Jason, l’arrière-arrière-arrière-grand-père de Caren.
Et aussi :
Qui peut situer Baton Rouge sur une carte ou mieux encore « Donaldville »?
A voir, superbe film.
Homestead act de 1862.
Homestead Act est une loi des États-Unis d’Amérique, signée par le président Abraham Lincoln le 20 mai 1862. Elle permet à chaque famille pouvant justifier qu'elle occupe un terrain depuis 5 ans d'en revendiquer la propriété privée, et ce dans la limite de 160 acres (soit 65 hectares).
A mon humble avis :
Encore un beau roman de cet auteur. Avec une intrigue bien amenée, un crime d’aujourd’hui qui a ses racines dans le passé. Une atmosphère très bien dépeinte de ces familles du sud, autant côtés noirs que côtés blancs. C’est avec une écriture limpide et claire que Attica Locke nous entraîne dans cette Louisiane profonde, nourrie par une toute une époque pas si lointaine où la couleur de peau était une référence. A lire absolument.
Signé Pierre
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* Version de Nina Simone, ICI.
** Voir le papier de Stéphane, ICI, et sur le premier roman d'Attica Locke, Marée Noire, ICI.