Etoiles filantes : sur Dead Stars de Bruce Wagner - une lecture critique de Dominique
De la même manière qu'il y a trente ans, Brett Easton Ellis décrivait de façon magistrale l'ennui, le sexe et la drogue vécus par la jeunesse dorée de Californie (Moins que zéro), Bruce Wagner dans son dernier livre nous happe et nous emmène dans les dérives de plusieurs adolescents issus de milieux aisés hollywoodiens de notre époque.
Il critique aussi l'Amérique dans ce qu'elle a de plus amoral où le corps n'est considéré que comme un objet vendable, où le tout-tout-de-suite règne en maître et où le désir d'immortalité est recherché comme un fin en soi.
Le livre commence comme si le lecteur se retrouvait face à des écrans (internet, facebook) et nous fixe d'emblée dans la peau de ces adolescents plus addicts au virtuel qu'à la réalité.
Puis, le roman continue dans une succession de chapitres courts consacrés à l'évolution des personnages principaux:
- Thelma, qui détient le titre de plus jeune rescapée d'un cancer du sein et qui vit financièrement et moralement sur la gloire de son ancienne maladie. Le drame de sa vie est que ce "titre" va être remis en cause...
- Reeyona, qui ne vit que pour son idole Rihanna et qui est prête à tout pour lui ressembler.
- Rikki, qui passe ses journées à regarder du porno sur internet.
- Jerzi, paparazzi en dessous de la ceinture, qui traque l'intimité des vedettes.
Les adultes ne sont pas épargnés, Bruce Wagner montre comment la transmission des valeurs (ou plus précisément de leur absence) se fait de génération en génération (scène unique dans laquelle Helmut Newton conseille la mère d'un des adolescents, lorsque celle-ci est elle-même jeune femme un peu artiste mais qui n'arrive pas à être reconnue, qu'il faut, pour percer, créer des images choquantes. On verra par la suite les effets de ce conseil sur la fille de cette jeune femme!)
Le style est créatif et pluriel, en relation avec le personnage décrit, parfois à la façon des SMS, parfois utlisant des symboles à la place des lettres ou des mots, parfois inventant des néologismes, parfois très classique.
Les personnages nous agacent, nous heurtent et nous émeuvent (violente et magnifique scène de rupture entre une mère et sa fille) dans leur course vaine à l'irréalité des écrans et leur déni de la réalité du monde.
Un très beau livre sur l'adolescence d'aujourd'hui que je conseille absolument.
NB: Le mot SERENDIPITE apparait page 280, je cite: "Heather était la plus grande preuve vivante de la magie & des miracles et de la serendipité qui voient naître les , c'était un terme qu'elle aimait beaucoup et qui selon sa mère signifiait l'heureux destin d'une personne"
Signé Dominique.