Toujours à l'affiche : nos incontournables à nous
En attendant les ouvrages plébiscités par les autres membres de ce blog, je me lance pour ma sélection des incontournables de ces derniers mois.
L'idée est simple : que de l'excellent. Les livres qui vous marquent, qui vous touchent, qui vous perturbent. L'idéal étant que ces livres soient encore présents sur les tables de votre librairie (en format courant ou en poche).
En attendant que des nouveautés viennent bouleverser cette sélection, ces livres resteront nos coups de coeur durables. Même si la liste n'est pas par ordre de préférence (et pourquoi pas???) je voudrais commencer par le meilleur livre depuis... Je ne sais même plus...
Cormac McCarthy, La Route
(Ed de l'Olivier et Point Seuil en mai 2009)
S'il ne fallait qu'une raison pour justifier ce choix c'est dans le minimalisme de l'oeuvre qu'il faudrait la chercher. Une histoire qui se résume en une phrase (un homme et son enfant descendent vers le sud sur une route, poussant leur caddie)
C'est vrai que A la Recherche du Temps Perdu peut également être résumé en une phrase... Si si. Gérard Genette l'a fait (on lui a reproché d'ailleurs). Si vous voulez faire le kéké en soirée, vous dites ça, pour résumer environ 3000 pages de littérature vertigineuse : Marcel devient écrivain.
Soit personne n'a lu Proust dans l'assemblée (très probable) et vous vous en sortez bien. Soit vous avez pas de bol et un prof de français sérieux est du côté de chez vous, et là, va falloir ramer...
N'est pas Genette qui veut.
La Route donc. L'exact opposé de la Recherche. Avec son monde déchiqueté et l'humanité réduite à néant si ce n'est les liens ténus entre un père et son fils luttant pour leur survie. A l'image de ces ruines, l'écriture ne s'embarrasse pas de divagations, de long développements psychologiques, ni même, parfois, de ponctuation. Et pourtant de tous ces riens, de toutes ces absences McCarthy réussit à nous donner le meilleur de ce qui fait notre humanité, l'interdépendance. Together we stand, divided we fall. C'est dans The Wall,
Et si vous pensez qu'un tel livre peut être chiant (pour vous le cadie évoque plus le supermarché que l'aventure), rassurez vous, certaines pages vous feront haleter, d'autres frémir, d'autres pleurer. Magnifique, tout simplement.
Pour ceux qui aiment les prix (y en a-t-il encore?), ce livre a obtenu le Prix Pulitzer (excusez du peu) et le prix du meilleur livre étranger par le magazine Lire.
Pour ceux qui ne lisent pas (vous êtes perdus?), le film existe, voici la bande annonce :
http://www.youtube.com/watch?v=09i72zZ04ts&feature=related
En deuxième choix, un premier italien Sandro Veronesi avec Chaos Calme (Grasset). Entre une ouverture magistrale (la scène de la noyade qui entremêle exposition et érection) et une clausule (l'autre extrémité de l'incipit s'appelle clausule, c'est comme ça) qui contient la PLUS BELLE DERNIERE PHRASE que j'ai jamais lue, Veronesi démontre une maîtrise époustouflante.
Jamais ennuyeux (au contraire, souvent imaginatif) le roman part d'une idée originale mais que l'on a du mal à imaginer voir se déployer sur 500 pages. Et pourtant... Un homme se retrouve veuf et attend la douleur qui devrait l'assommer mais qui ne vient pas. Tous les jours, il dépose sa fille à l'école et attend. Dans sa voiture, sur un banc, dans un café -toujours devant l'école de sa fille- il attend. Très vite, il devient une sorte d'éponge pour la douleur et les interrogations existentielles des autres qui viennent le consulter comme s'il était le nouveau dalaï lama.
Superbe galerie de personnages, anti-héros magnifique, écriture et construction géniales... que demande le peuple?
Prix Strega 2006 en Italie (prix le plus prestigieux en Italie), prix méditéranée et Fémina en France.
En images : la p'tite soirée de remise du Fémina (avec, au début, notre ami Yves B. qui boit et picore -ah! elle est belle l'édition française!) avec Veronesi qui parle de son roman, en français:
http://www.youtube.com/watch?v=iInQJjYua2I
L'adaptation existe, avec Moretti et Rufus Wainright dans la BO (ce qui est plutôt bon signe) En italien, ça donne ça :
http://www.youtube.com/watch?v=DXhRATm8BvY
En troisième place, encore un italien : Niccolo Ammaniti avec Comme Dieu le Veut (Grasset) Encore une fois, c'est l'ouverture qui fait la différence. Glacial, violente et terriblement trompeuse. Si vous avez vu le film d'Ettore Scola Affreux, sales et méchants ça vous aidera à planter le décor. C'est l'Italie d'en bas, tout en bas, xénophobe et violente, coincée entre le passé (toujours glorieux) et l'avenir (forcément radieux) et donc incapable de vivre le présent sans faire d'erreurs, obsédée par l'argent et la société de consommation. Ajouter un trio de pieds nickelés déglingués par la vie qui va se lancer dans un casse du siècle dérisoire et raté d'avance. Et enfin, un gamin (toujours chez Ammanitti -c'est pour ça que je l'aime) en quête de tout : d'amour, d'identité, d'avenir.
C'est souvent drôle, plus souvent encore terrible de violence et de désespoir mais quelle leçon! Un grand roman au souffle incroyable qui prouve qu'on peut aller loin par amour et qu'on peut aimer sans dire je t'aime. Humain, terriblement humain.
Prix Strega 2007.
Allez, pour les amateurs d'images, une présentation en VO du livre (je viens de découvrir le mot booktrailer -mais ce type de lancement n'existe pas en France):
http://www.youtube.com/watch?v=zcjOCBXTqgc
L'adaptation existe, elle aussi.
PS : Coîncidence quand tu nous tiens : ce soir sur Arte l'adaptation d'un autre roman de Ammanitti, Je n'ai pas peur traduit ici par L'été où j'ai grandi. Très bonne adaptation d'ailleurs. Et excellent traduction qui explique très bien l'utilisation par Ammanitti du personnage de l'enfant dans un moment de crise... Il n'est plus vraiment un enfant et bascule déjà dans l'âge adulte.
Pour le moment, un EXCELLENT trio.
Le prochain est Peste de Palahniuk.
Mais c'est pour plus tard.
Signé Stéphane