RENTREE LITTERAIRE 2009 (sur Vendetta de R.J. Ellory - par Stef et JP)
Les libraires se partagent parfois le travail. Ils se répartissent les lectures de l'été. Il faut faire confiance
au jugement de l'autre. J'avoue utiliser quelques 'goûteurs', des personnes qui testent des livres avant moi... Il faut être persuasif. Ou roublard. Ou sympa et leur filer gratos les livres
en question.
Mais il arrive que deux libraires, sans le savoir, lisent le même livre pratiquement en même temps et prennent le même plaisir.
Cet été, Jean-Philippe et moi avons été tous les deux séduits par le même roman.
Jean-Philippe a été plus rapide que moi pour son papier. Le voici donc, en première ligne.
Si vous n’avez qu’un seul thriller à lire cette année ne cherchez plus, Vendetta est la meilleure chose qui soit arrivée au roman noir depuis longtemps. On avait découvert
Ellory l’année dernière avec Seul le silence, déjà excellent, mais là il enfonce le clou.
Vendetta commence à la Nouvelle-Orléans en 2006 , avec la découverte dans un coffre de voiture d’un cadavre défiguré et le cœur arraché. Très vite le F.B.I identifie la victime comme étant le garde du corps de la fille du gouverneur Ducane. Les agents du F.B.I panique et pédale dans la semoule, jusqu’à un mystérieux coup de téléphone d’un certain Ernesto Perez qui déclare être le kidnappeur et est prêt à se livrer aux autorités à condition de s’entretenir avec un certain Ray Hartmann, fonctionnaire qui travaille avec la police de Washington. S’engage alors un face à face haletant entre Perez et Hartmann qui se demande ce qu’il peut bien faire là.
A travers cette confrontation Ellory déroule un demi-siècle d’histoire américaine avec une ambition et sens de la narration hallucinant, mêlant la grande histoire et le portrait intime. Au fil des pages le roman devient complètement addictif, et c’est éreinté et estomaqué qu’on arrive au final jubilatoire.
Mais plus que la virtuosité et l’efficacité narrative ce qui impressionne durablement c’est la manière dont Ellory revisite l’histoire de la mafia, lui donne un éclairage nouveau à travers le personnage d’Ernesto Perez. On n’est pas près d’oublier ce tueur implacable mais non dénué d’humanité.
Ellory est l’anagramme de Ellroy, il en a aussi (presque) le talent.
Signé Jean-Philippe.
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Il y a quelques semaines, en guise d'introduction prémonitoire à la lecture de Vendetta, j'avais lu Chicago-Balladede Hans Magnus Enzensberger (Ed
Allia). Un petit livre de 90 pages qui revisite et interroge le mythe Al Capone et les gangsters. C'était même ça, l'intérêt de cet essai : sa lecture du côté mythologique de la mafia.
Et Vendettaarrive enfin dans la boite aux lettres (l'été, je l'adore cette boite...) Évidemment qu'il faisait parti des 4-5 livres que j'avais emmenés en vacances.
Comme le rappelle Jean-Philippe, l'an dernier nous avions découvert Ellory avec Seul le silence, déjà chez Sonatine -un éditeur à suivre de près : que ce
soit pour ses couvertures ou ses traductions, il ne commetent pas d'erreur ( http://www.sonatine-editions.fr/). Pour ceux qui
auraient rater Seul le silence et qui ne peuvent s'offrir un format courant, comme on dit en librairie, ce roman sort en poche à la rentrée (le 27 août). N'hésitez pas une seconde.
Seul le silence, c'est Mark Twain qui rencontre Ellroy -rien que ça.
Et Vendettaarrive et, dès le début, l'art du récit (et du récit dans le récit) fonctionne. L'affaire est simple : Ernesto Perez détient la fille du gouverneur et ne la relâchera
qu'après avoir terminé son récit. C'est Shéréazade qui sauve sa peau avec ses histoires et Ernesto Perez, connu dans les milieu pour son laconisme, est ici un conteur raffiné.
Il y a du Hamlet aussi chez Ernesto Perez (Shakespeare est d'ailleurs cité plusieurs fois). Etre ou ne pas être quelqu'un, voilà la question. Tout ce qu'il veut, Ernesto Perez, c'est
être quelqu'un. Et son premier crime donne le ton : un VRP qui vend des encyclopédies. Et Ernesto Perez devient quelqu'un. Par et pour du savoir. Pour l'histoire du monde en quelques
entrées. Et c'est ce qu'il va partager avec nous, avec toute la froideur et l'érudition d'une encyclopédie. La deuxième moitié du vingtième siècle américain et cubain en quelques entrées.
Jusqu'à un final magistral.
La grande classe.
Ernesto Perez est vraiment quelqu'un.
R.J. Ellory est vraiment quelqu'un. Un grand écrivain.
Signé Stéphane
PS : je suis en contact avec les éditions Sonatine pour obtenir un petit entretien avec RJ Ellory. A suivre donc. Et à lire absolument, évidemment.