Baby-boomers vs Generation X : sur Totally Killer de Greg Olear - une lecture critique de Stéphane
Taylor Schmidt est une chic fille du Missourri, un peu bimbo mais pas tout à fait, blonde mais pas tout à fait. Quand elle débarque à New York, c'est pour croquer la Grosse Pomme. Rapidement elle découvre que la pomme est blette et remplie de vers.
Nous sommes en 1991 et ce n'est pas pour rien ("l'année 1969 de ma génération"). Greg Olear prend (et donne) beaucoup de plaisir à nous faire plonger dans le début des années 90. Les pages 18 et 19 sont un résumé fast-forward (ou plutôt fast-rewind) de 1991, un fourre-tout foutraque de tout ce qui a marqué l'année et la Génération X de Douglas Coupland (évidemment cité avec cette "oeuvre phare" pour le narrateur*) Et Olear de conclure :
"Bref, l'été 1991 était le pire moment de toute une génération pour se trouver dans la position de Taylor Schmidt.
Et c'est là que notre histoire commence." (vous trouverez les dix huit premières pages du livre ici )
Pendant que nous sommes dans les réjouissances, voici le book-trailer (ie. bande annonce du livre) ici.
L'ouverture est, encore une fois, à relire après terminé le roman :
"Je n'ai jamais aimé Taylor Schmidt. Malgré tout ce que vous avez pu entendre lire.
L'amour est quelque chose de plus pur que cet alliage brut de désir, de fascination et de pitié dont étaient faits mes sentiments à son égard. On ne peut pas transformer les métaux vils en or, tout brillants qu'ils puissent être.
Cela dit, à défaut de jamais la pardonner, je peux comprendre une telle confusion. Il faut dire qu'elle me faisait sacrément bander. Même encore aujourd'hui, et ça fait dix-huit qu'elle est morte."
Taylor Schmidt va d'échec en échec. Lorsqu'elle trouve une publicité pour l'agence Quid Pro Quo** qui promet de trouver un job à ses membres, elle se lance. Le problème n'est pas qu'il n'y a pas de postes, lui dit-on, c'est que tous les postes sont pris par des baby-boomers qui vieillissent et refusent de laisser la place.
Avec Quid Pro Quo, on peut trouver un job. Mais il y a une condition radicale : "licencier" quelqu'un...
Le grand plaisir dans la lecture du roman de Olear vient des métaphores :
"Taylor s'attendait à voir un beau mec. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il soit beau comme ça. Elle avait le coeur qui jouait le passage de Stairway to heaven où les percussions entrent en action. Son buisson était le siège d'une effervescence inquiétante."
"J'avais l'impression d'être un Jésus que l'on aurait obligé à fabriquer sa propre croix."
Et l'autre plaisir, de la satire de cette Amérique faite par un satyre souvent hilarant, Todd Lander, notre narrateur (cala)miteux:
"Pour le dire simplement, baiser Taylor Schmidt constitua les trente plus belles secondes de ma vie."
Je n'en dirai pas plus. Contrairement à Alexandre (ci-dessous) je n'ai aucun bémol à apporter. Même la fin barrée.
Y a tellement de trucs que j'aime trouver dans un livre, dans Totally Killer, que je prends tout, la TOTALE!
Merdre alors! Il cite Dylan, Eco, Nirvana, Easton Ellis, Conrad, Rambo, Grisham, Twain, etc, etc. C'est drôle, subversif, et ça se lit comme un polar...
Le prochain roman d'Olear portera un titre mortel, lui aussi : Fathermucker.
J'avais 18 ans en 91. Et vous?
Signé Stéphane
La couverture est prometteuse, je me suis plongé dans ce livre avec de grands espoirs. J'ai lu et lu avec délectation, dévorant d'une bouchée les 97 premières pages. Et là le drame ! Je commets l'erreur de 4ème de couverture. Premier conseil : IL NE FAUT PAS LIRE LE 4EME DE COUVERTURE. Un élément essentiel de l'intrigue est dévoilé en toute indiscrétion.
Déçu mais pas au point d'abandonner, je poursuis. L'écriture m'entraîne, j'envisage déjà de rédiger un article encensant Greg Olear. Jusqu'à la page 263 où l'on tombe sur un rebondissement digne d'un mauvais scénario. Bon on peut admettre une erreur de parcours, je suis indulgent et si proche de la fin ... Malheureusement je vais devoir subir une troisième déception entre les pages 285 et 295. Je relis à nouveau le 4ème de couverture et j'y relève les mots coupables: théorie du complot. Avec du recul je parviens à comprendre l'auteur qui ne fait que soutenir le contexte historique. Mais la pilule à du mal à passer, j'éprouve une certaine gène avec toute sorte d'excès, y compris celle de la conspiration.
Bon ce n'est qu'un roman finalement et il est loin d'être médiocre. L'idée de Totally Killer et son point de vue sont assez solides pour soutenir votre haleine.
Empruntant des extraits découpés du prologue (on peut se permettre cette liberté au vu de ce qu'écrit l'éditeur sur son 4ème de couv.) je vais essayer de vous mettre l'eau à la bouche.
3, 2, 1, FEU:
"Je n'ai jamais aimé Taylor Schmidt. Malgré tout il faut dire qu'elle me faisait sacrément bander. Même encore aujourd'hui, et ça fait 18 ans qu'elle est morte. Chez cette nana, les phéromones suintaient de partout. Elle était le sexe incarné.
Taylor était ma colocataire. Elle a emménagé en 1991, quand j'ai ouvert pour la laisser entrer, je ne pouvais pas m'empêcher de penser que j'avais follement envie d'elle. Au cours des 6 semaines qui suivirent, je fus, pour l'essentiel, son assistant personnel bénévole. J'en fis des tonnes. Et qu'est ce que j'ai récolté pour tout mes efforts ? Que dalle. Mon chat s'est mis à dormir avec elle, mais moi ? Non, Monsieur.
Le plus marrant, c'est qu'en soi, Taylor n'était pas si canon que ça. Elle avait des défauts. Pour apprécier cette fille, il fallait la saisir en personne. En chair et en os. Il fallait observer la perle de sueur sur sa lèvre... Un instant ! Tout ça fait trop sentimental. Alors je répète si vous permettez : je n'ai jamais aimé Taylor. Pas de façon romantique en tout cas. Par contre je l'aimais en tant qu'amie. Il y a une autre chose que j'aimais chez elle : c'était la façon qu'elle avait de vous regarder comme si vous disiez la chose la plus intéressante qu'elle ai jamais entendue, comme si elle était en train de vivre une expérience spirituelle. Elle était comme cela au lit aussi. La vrai vocation de Taylor, c'était le boudoir. Elle m'a fait des choses, et elle a fait des choses avec moi...
Mais ceci n'est pas une longue lettre pour penthouse forum. La concupiscence est une affaire privée, mais ce qui est arrivé à Taylor... les gens doivent le savoir, méritent la vérité. Et je suis en mesure (je suis le seul même en mesure) de faire connaître la vérité.
Car voyez-vous, comme Taylor, j'ai moi aussi été client de l'agence Quid Pro Quo. Mais surtout, Taylor était une fervente adepte du journal intime, et j'ai eu accès à ce journal.
Nous effleurerons son passé, mais ce qui nous concerne vraiment ici, ce sont les derniers jours de sa trop courte vie. Taylor, morte à 23 ans.
Tout ce qui s'est passé s'est passé à New York en 1991. J'ai l'impression que c'était hier, mais nous sommes déjà en 2009. Il faut en convenir, les années 90 n'inspirent pas particulièrement la nostalgie. Mais 1991 a été l'année 1969 de ma génération. Au cours de ces 12 mois brefs, tout est devenu parfaitement clair, culturellement, politiquement, socialement - tout le toutim. Le fait est que 1991 fut une année particulièrement mauvaise financièrement parlant, une mauvaise année pour être au chômage et une année encore plus mauvaise pour être un jeune diplômé sans expérience avec un CV un peu maigre et un emprunt à rembourser. Bref l'été 1991 était le pire moment de cette génération pour se retrouver dans la position de Taylor. Et c'est là que notre histoire commence."
Signé Alexandre
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* Pour Asher Krug, l'homme qui entraîne Taylor dans sa chute : "Ce livre n'est qu'un monceau de conneries. Ces gens-là ne font rien, ils restent assis sur leur cul et passent leur temps à se plaindre. Une bande d'enfoirés de petits garçons."
** ' donnant donnant' - Olear rappelle que c'est une des répliques d'Hannibal, dans Le SIlence des Agneaux : "Quid Pro Quo, Clarice."
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