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SERENDIPITY

La courbe folle : sur Pas Mieux d'Arnaud Le Guilcher - une lecture critique de Stéphane

19 Juillet 2011, 15:14pm

Publié par Seren Dipity

Quel bonheur! Il y a un peu plus d'un an, je vous parlais ICI d'un roman hilarant comme on en lit un ou deux par an. Et encore... les bonnes années.9782917702352.jpg
 

En Moins bien d'Arnaud Le Guilcher nous avait laissé avec notre héros-malgré-lui, sur le sable de Sandpiper, seul et abandonné. Nous le retrouvons, quinze ans après, encore plus seul et abandonné... La preuve? Il écoutait les Stones dans le premier volet, il est passé au Zimm' (nan, c'est pas un médicament ou une drogue, c'est Dylan) Donc, ça va mal. Mais Emma revient. Avec leur fils, "Commemoi". Il est aussi gothique que mutique!

Let's go crazy!

C'est reparti pour plus de trois cents pages de situations et de dialogues drôôôlissimes. Premiers exemples :

A IKEA :

" Dans le magasin, ça a été disco. J'ai eu vite l'impression d'être un éducateur spécialisé baladant un centre d'autistes. Takeshi cherchait des abat-jours pour sa bite. Richard s'est endormi dans le parc à boules des gamins, un nez rouge sur le blair. Commemoi errait au rayon cuisine, où il se tailladait le bout des doigts avec des fourchettes à huîtres."

Père-fils :

"T'es une pub vivante pour l'avortement, gamin de merde!
- T'es un hymne à la vesoctomie, père à la con!"

Arnaud Le Guilcher a le sens de la chute, du bon mot, de la phrase qui claque. Et surtout, surtout il a décidé, tout petit déjà, d'enterrer l'ambition descriptive chère aux réalistes et qu'un critique du Nouveau roman, Jean Ricardou, a appelé la "courbe folle". Je n'ai pas retrouvé le bouquin chez moi donc je vous le fais plus ou moins de tête (ma lecture date d'au moins quinze ans, soyez indulgents.) La "courbe folle" décrit la vanité de la description dite réaliste qui, en accumulant les détails et surtout les mots, écrase plus qu'elle ne peaufine l'image. Je ne sais pas si je suis très clair mais bon, l'idée, si je me souviens bien, c'était ça : une avalanche de mots ne conjure pas l'image, elle n'est qu'une avalanche de mots. Les lecteurs de Madame Bovary (je me demande bovary_couv.jpgsi c'était l'exemple de Ricardou?) se souviennent peut-être de la description de la casquette de "Charbovary", d'une minutie incroyable*. D'autres, moins nombreux sans doute, connaissent un petit livre étonnant où des artistes illustrateurs devaient représenter, par l'image convoquée donc, cette casquette... La Casquette de Charles Bovary, Ed. Arléa. Ca donne des dessins assez improbables, et prouve, s'il le fallait, que le réalisme est assez surréaliste dans son ambition.

Arnaud Le Guilcher pratique une autre courbe, l'ellipse, et il remplace, avec un immense bonheur, la laborieuse description réaliste par la métaphore elliptique. Ca donne quoi?

Ca :

"Une dame toute coquette s'était pointée à notre stand. Elle devait servir de crash test à un chirurgien plastique peu scrupuleux. Les multitudes interventions de ce maniaque du bistouri la rendaient désormais crédible en mère de Meg Ryan."

"La bâtisse semblait sortir d'un film en cinémascope. Un peu La Mort aux trousses, un peu Traitement de choc. Le genre de décor qu'on croit fait en carton-pâte et de colle, et qui cache selon les scénarios, des amours ou des drames."

"Avec son look d'arlequin, il me donnait des migraines ophtalmiques."

Je ne vais pas vous citer le roman entier mais, comme dans le premier volet, on peut extraire une page sur deux et se marrer... 

Je ne peux évidemment pas vous révéler le nom des deux guest stars énaurrrmes... Deux artistes à la retraite.... Mais je vous donne le nom des deux musicos qui constituent, avec Commemoi, le groupe Fatherfuckers : Prurit et Pustule.

 

Si vous voulez vous marrer sur la plage et suivre les aventures d'une galerie incroyable de personnages très attachants, Le Guilcher va devenir votre ami!

 

Signé Stéphane. 

__________________________

* « C'était une de ces coiffures d'ordre composite, où l'on retrouve les éléments du bonnet à poil, du chapska, du chapeau rond, de la casquette de loutre et du bonnet de coton, une de ces pauvres choses, enfin, dont la laideur muette a des profondeurs d'expression comme le visage d'un imbécile. Ovoïde et renflée de baleines, elle commençait par trois boudins circulaires ; puis, s'alternaient, séparés par une bande rouge, des losanges de velours et de poils de lapin, venait ensuite une façon de sac qui se terminait par un polygone cartonné, couvert d'une broderie en soutache compliquée, et d'où pendait, au bout d'un long cordon trop mince, un petit croisillon de fils d'or, en manière de gland. Elle était neuve, la visière brillait. »
Premier chapitre, Madame Bovary, Gustave Flaubert
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