Petits papiers : sur Le Pilon de Paul Desalmand - une lecture critique de Stéphane
Quand j'ai découvert ce titre dans le maigre programme de novembre, j'ai immédiatement noté ça dans mon petit carnet des titres à lire! Ça fait quatre ans que j'illustre tous mes articles de présentation de la rentrée littéraire avec une photo du résultat de toute cette production... Le Pilon :
Alors un livre qui a pour titre Le Pilon, pensez donc!
Et j'ai bien fait car ce mince roman de 160 pages est une mine, un concentré du plaisir de lire, du plaisir des livres. Comme si Paul Desalmand avait extrait la substantifique moelle de tous les volumes passés dans la machine à broyer le papier.
Le Pilon est le récit de la vie d'un livre, un petit volume élégant (il se comparera à un moment à tous ces livres produits rapidement, en quantité industrielle - aussitôt vendu ou aussitôt recyclé).
Voici l'ouverture, et quelle ouverture!
(le chapitre 1 a pour titre Je me présente)
"Un roman doit commencer par une gifle et se terminer par un coup de poing, me dit un jour un frère de papier. Pour un autre, il faut impérativement un cadavre dans le premier chapitre. Tous se méprennent sur mon projet. Je souhaite uniquement raconter ma vie de livre d'une façon linéaire. J'ai donc tout banalement commencé par l'entrepôt à la sortie des presses pour continuer par les librairies et les bibliothèques où j'ai vécu, qui furent le lieu de longues discussions entre compagnons de rayonnage. Je m'y étais fait un ami. Plus que tout, mes lecteurs, puisque je ne vivais que par eux."
Ce petit livre, dont on ne saura jamais ce qu'il contient ou qui l'a écrit, va avoir une belle vie. J'évoquais récemment la phrase de Blanchot, "Qu'est-ce qu'un livre qu'on ne lit pas", eh bien la réponse est peut-être ici, dans le parcours de ce paquet de feuilles reliées : "Quoi qu'il puisse m'arriver, j'estime ma vie réussie parce que j'ai été lu."
Une belle vie, oui, passant de mains en mains; de librairie en bouquiniste; de belles heures dans un fauteuil aux réjouissantes étagères en compagnie d'autres livres. Un livre picaresque donc, pourchassé par Thanatos, sauvé par Eros. Dans ces miscellanées du livre-objet, le lecteur trouvera beaucoup de clins d'oeil, d'allusions, de références discrètes. Une certaine mythologie du livre. Beaucoup, beaucoup* - mais pas tout :
"C'est exactement ça. Je souhaite que celui qui me lit pense : il aurait pu en faire plus. Je veux donner du champ à son imagination. Lecteur, qui t'empêche de l'écrire, ce chapitre qui te paraît manquer ou cette anecdote indispensable? Mais est-ce que tu as la patte?" **
Paul Desalmand, la patte, il l'a.
Petits papiers donc, mais grand petit livre!
Signé Stéphane
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* Finalement, peu d'extraits cette fois et pourtant, le livre contient de très nombreux moments où je me disais in petto, "ah ça faut que je le note!" mais j'avançais encore et encore, sans pouvoir m'arrêter...
** A propos de ce défi lancé au lecteur, un client à qui j'avais conseillé de lire Le Pilon est revenu tout aussi enchanté que moi par sa lecture et m'a offert sa réponse très velue et pleine de griffes... Lui aussi, quelle pate! Je vais demander à ce monsieur Dubreuil, s'il m'autorise à poster son texte.