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SERENDIPITY

Punk's not dead : sur Blue Gene de Joey Goebel - une lecture critique de Stéphane

29 Juillet 2011, 22:12pm

Publié par Seren Dipity

Nous avions rencontré Joey Goebel avec son premier roman, Torturez l'artiste, où il nous avait exposé les rouages de la culture populaire américaine ( ICI .) Dans son troisième roman, Blue Gene, toujours traduit chez Héloise d'Ormesson (cette fois-ci par Sfez, après Claro), Goebel s'attaque avec plus d'ampleur et autant de bonheur à la politique américaine. Ce gros roman de 600 pages est fluide comme une bonne mousse et se lit avec un plaisir similaire à une bonne série TV (que Goebel adore... voir ses choix ICI blue-gene.jpg

 

La famille Mapother compte six membres : Henry et Elizabeth, le patriarche et son épouse, fervente praticante; John, le fils ainé et aimé en qui sont placés de grands espoirs depuis le rêve visionnaire de maman qui l'a vu au plus haut sommet, Abby sa femme transparente, et leur fils Arthur qui grandit dans l'ombre et l'indifférence; et, enfin, Blue Gene, le mouton noir du clan Mapother, le fils prodigue tout droit sorti de la Bible (la parabole est aussi appelée 'parabole du père et des deux fils' -d'ailleurs une interprétation biblique du roman en liaison avec les trois paraboles dites de la rédemption serait envisageable mais je ne suis pas exégète. Au pire, lisez-ça)

Et la famille Mapother se compte aussi en millions de dollars. Elle fait partie du 1% de la population qui possède 99% des richesses.

Blue Gene s'est assis sur son héritage, a laissé pousser ses cheveux (mais pas sur les côtés), a enfilé une paire de tongs, et vit de petis boulots minables - le dernier en date est de tenir un stand au marché aux puces et d'y brader ses jouets de gamin. Depuis quatre ans, aucun contact entre Blue Gene et le clan Mapother, pas très fière du prolo à la coupe mulet que Blue Gene est devenu. Mais quand John se présente aux élections pour devenir sénateur (première marche vers la Maison Blanche), le clan Mapother a besoin de Blue Gene pour ramener les votes du petit peuple, pour "interagir avec la plèbe". D'où un rapprochement familial...

Mais la sensibilité politique de Blue Gene n'est pas exactement celle de la famille. Et ça va s'aggraver quand Blue Gene va rencontrer Jackie, chanteuse dans un groupe punk nommé Uncle Sam's Finger. Jackie ("le genre à corriger les graffitis") va bouleverser beaucoup de choses...

Si vous connaissez un peu Goebel, le punk, le mulet ça vous parle : cet ancien chanteur d'un group punk appelé The Mullets fait un clin d'oeil à ses anciens copains de jeux. Il offre d'ailleurs une belle définition de la musique punk, à travers Jackie :

"En tout cas, j'ai toujours voulu faire partie d'un groupe, mais j'avais peur de me tromper, de m'humilier en public. Puis j'ai appris que dans le punk se tromper est non seulement permis, c'est carrément recommandé. Même devant un public, on peut être brouillon, audacieux, imparfait, incorrect."

Pour vous donner une idée du punk version Goebel, ça donne ça - avec Goebel himself (amis mélomanes aux oreilles sensibles s'abstenir!)

Mais n'allez pas croire que le roman n'est que ça : c'est souvent drôle, c'est vrai, mais sans bouffonerie. Bien au contraire, c'est intelligent, et sous couvert d'une critique un peu anar du système (le titre anglais Commonwealth renvoit à un centre communautaire dans le roman), Goebel nous offre une réflexion jamais ennuyeuse sur la politique et la grandeur morale des Etats Unis. Tout ça dans un roman aux multiples rebondissements efficaces, à la trame narrative simple mais fouillée, avec exactement TOUT ce qu'il faut pour faire un excellent roman.

En bonus, à ceux qui, comme moi, parfois, chercheraient encore une définition du postmodernisme, il nous donne :

"Il chercha un sujet de conversation mais ne trouva qu'à parler du temps. Ca faisait tellement cliché de parler du temps. Dans cette époque postmoderne, ça faisait même cliché de faire remarquer comme c'était cliché de parler du temps."

Et cette autre définition de l'expérience :

"Est-ce qu'une fille t'a déjà dit non quand tu voulais sortir avec elle?

- Non.

- Alors t'as pas vécu."

 

Goebel for president? Oh yes he can*!

 

Blue Gene, Commonwealth, traduit par Samuel Sfez, Ed. Héloise d'Ormesson.

 

Signé Stéphane

 

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* Pour ceux qui chercheraient du miel pour soulager leurs oreilles après le morceau de Goebel, écoutez donc ce merveilleux album solo de David Crosby, Oh yes I can. Même sans Stills, Nash & Young, ça fait du bien.

 

 

 

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