Sukkwan Island II - la mer : sur Au Commencement était la mer de Tomas Gonzalez - une lecture critique de Stéphane
La référence au magistral coup de force de David Vann est justifiée par le thème du roman et la tension palpable dès le début de ce non moins splendide roman de Tomas Gonzalez dont c'est le premier roman traduit en français (sept autres attendent d'être traduits.) Félicitations aux éditions Carnets Nord et à Delphine Valentin, la traductrice. Et un autre bravo pour la couverture qui relègue très justement la mer turquoise au second plan - mais elle est bien là, au commencement et à la fin de tout.
Voici la 4ème de couv :
J., écrivain, bohême, gauchiste, réfractaire, décide de fuir Medellín pour s'installer avec Elena dans une maison face à la mer, sur la côte sauvage du nord de la Colombie. En quête d'une autre vie - la vraie, le retour à la nature -, avec en tête un vague projet : exploiter le domaine et quitter la société bourgeoise. Mais si la vie en ville manquait de souffle, celle de la campagne se révèle hostile, les relations humaines sont tendues, les amis s'éloignent, la mer et la pluie oppressent. De petits drames en défaites, J. perd pied, Elena aussi. Rien ne se déroulera comme prévu.
La tragédie nous est annoncée très tôt, de manière explicite. La chaleur suffocante et poisseuse, l'aguardiente (alcool colombien) aussi torentiel que la pluie abondante, la rudesse des rapports avec les gens du cru, et les échecs financiers du projet ne font qu'accroître le sentiment de désastre iminent. Sur place J. va devoir renoncer à de nombreux idéaux, lui qui n'a que ça.
"En fait, il était venu ici pour fuir une certaine forme de rationalité avilissante, aussi stérile que le pétrole, l'arrivisme et le béton."
Reste, alors, "L'éternel retour des mêmes asticots, de la même merde, du même Adam."
Le style est sec et Gonzalez montre, avec beaucoup d'économie poétique plutôt que d'expliquer avec forces longueurs, comment le couple bascule du paradis vers l'enfer. C'est ce qui fait la beauté et la puissance du roman. Quelle découverte!
Stéphane.