Glasgow by night : sur Il faut tuer Lewis Winter de Malcolm Mackay - une lecture critique de Stéphane
Liana Levi aime les voix singulières -son catalogue en est la preuve- pour notre plus grand plaisir. Sa dernière trouvaille arrive tout juste d'Ecosse (le roman est sorti en janvier 2013 là-bas aussi) et, avec ce Malcolm Mackay et son premier roman, premier tome d'une trilogie (Il faut tuer Lewis Winter - The Necessary Death of Lewis Winter, traduit par Franchita Gonzalez Batlle*), on sait dès l'ouverture qu'on tient une voix.
Ça débute comme ça :
"Ça commence par un coup de fil. Une conversation anodine, familière, amicale, on ne parle pas affaires."
Calum est un tueur à gages. Il travaille en free-lance, peu et bien. Très bien même. Alors que Franck ZE hitman est invalide, Calum est le meilleur de la nouvelle génération. A tout juste 29 ans, il est pointilleux et perfectionniste. Il aime le travail propre (si on peut dire) et ne fait pas de vague, par prudence et parce qu'il est comme ça. Le coup de fil initial est un nouveau contrat : Il faut tuer Lewis Winter.
Lewis Winter est une cible facile, un dealer insignifiant, vieillissant. Maqué à une ex-prostituée, il s'accroche à des rêves de famille paisible et doit supporter les envies festives de Zara, sa jeune compagne qui n'est pas encore prête à oublier sa jeunesse. C'est un raté, un gagne-petit. Mais il est sur un coup. Et l'éliminer permet d'envoyer un message. Quitte à provoquer un retour de bâton. Nous ne sommes pas dans un roman policier à la whodunit. Les coupables, les méchants sont vite identifiés (encore que... la notion de méchant semble bien relative et n'empêche pas l'attachement). C'est un roman noir, comme la nuit, comme les bas fonds.
Cet aperçu du roman ne dit pas tout (sinon, et s'il n'y avait que ça, à quoi bon?) Malcolm Mackay ne travaille pas que ses personnages : il peaufine son écriture et sait alterner les points de vue pour bâtir son univers. C'est le gros point fort de ce roman à la langue tendue et nerveuse, à l'os. Les mots sont pesés, les phrases ramassées, parfois réduites à l'essentiel. La syntaxe est abrupte, les sujets et les verbes ne sont plus indispensables. Le rythme des phrases et des chapitres est très efficace.
"On apprend très vite quel ami peut être l'alcool. Et aussi quel ennemi. Il est responsable de la dégringolade de beaucoup de gens bien. Dans ce métier. Dans cette ville. La malédiction du tueur, dit-on."
Les personnages sont crédibles par l'épaisseur que leur donne Mackay, et leur voix résonnent dans ce style qui emprunte parfois l'oralité de la confession ou de l'explication mais dont la vivacité et l'efficacité sont permanentes.
"Michael Fischer a horreur d'être considéré comme un stéréotype. Le flic obsédé par son travail. Divorcé. Pas d'enfants. Pas de distractions. Quand il ne travaille pas il boit trop. Il perd ses cheveux qui grisonnent aux tempes. Il lutte pour ne pas avoir du ventre. Il déteste ce cliché. Il a d'autant plus de mal à être pris au sérieux. Il ne veut pas être comme ça. Il ne veut pas être le personnage facile d'un film policier à petit budget. Il est ce qu'il est. Un flic qui aime son métier. Un homme qui n'a rien trouvé d'autre dans la vie à quoi il tienne assez pour s'y intéresser."
Nous assistons là à un grand début, espérons que les tomes à suivre de cette trilogie seront aussi bons.
Signé Stéphane
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* Traductrice habituelle de la maison Liana Levi (de Iain Levison et de Qiu Xialong, entre autres) J'adorerais discuter avec cette personne : combien de traducteur traduise l'anglais, l'italien et l'espagnol??? Ou alors c'est le pseudo de Liana Levi elle-même???