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SERENDIPITY

Sur le fil* : sur Et que le Vaste Monde poursuive sa course folle de Colum McCann - une lecture critique de Stéphane

18 Octobre 2009, 21:20pm

Publié par Seren Dipity

Même si la rentrée a la facheuse tendance à m'énerver, je dois avouer que tous les deux-trois ou trois-quatre ans je suis ravi de retrouver quelqu'un. Colum McCann. Un irlandais, qui vit aux Etats Unis, comme un autre émigré que j'adore, Michael Collins.
Je l'ai découvert avec Les Saisons de la Nuit il y a une dizaine d'année et j'ai continué à le suivre; il avait accompagné mes débuts en librairie, j'en faisais mon parrain. Parce que c'est justement ça le talent : on a envie de le suivre où qu'il aille. Jusqu'à maintenant, je pensais que Les Saisons restait son meilleur livre.
Ca fait deux mois que j'ai son dernier roman et, je ne sais pas pourquoi, j'attendais. Peut-être parce que Zoli, son précédent roman, ne m'avait pas conquis entièrement : Zoli reste un très bon roman, attention, mais on était loin des Saisons ou de Danseur ou de ses receuils de nouvelles.
Et, finalement, je commence ce livre dont la couverture et le titre sont déjà tout un programme.
Et que le vaste monde poursuive sa course folle.
Let the Great World Spin - Traduction de Jean-Luc Piningre, éditions Belfond.

Philippe Petit est la petite ombre que l'on voit traverser le ciel et ouvrir les nuages. J'avais découvert Philippe Petit chez Paul Auster dans un receuil d'essais, L'Art de la Faim.
Mais ce n'est pas un roman sur Philippe Petit, pas seulement. Philippe Petit marche sur un fil entre les deux tours du World Trade Center (mais je ne suis pas de ceux qui voient  Et que le vaste monde... comme un roman du 11/9- faudrait qu'on m'explique?) La figure du fil est évidemment importante : Philippe Petit et son 'coup' va être le point de contact d'une galerie impressionnante de personnages; et tous vont nous toucher par l'humanité de leur course folle. Et des fils, il va y en avoir beaucoup dans ce roman polyphonique. McCann n'aime pas les récits linéaires, directs. Pour parler du monde, il a besoin de faire parler le monde, tout le monde. Et en cet été 74, New York a des choses à nous dire. New York est un mythe (lisez Métropolis de Jerome Charyn, sous-titré New York comme mythe, marché et pays magique - ça existe en poche) et c'est l'Amérique in a nutshell : carrefour des nationalités, rêve américain, Vietnam, politique - tout y est.
Il y a des anges déchus, des femmes déçues, des artistes en déroute, des religieux qui doutent, des vieux qui vieillissent, des putains qui tapinent. De l'amour, de la détresse, du chagrin, de la beauté, du rire.
Le roman se construit brique par brique comme ces vieilles batisses de New York; il avance pas à pas comme Petit sur le fil. Des destins se déploient et des rencontres improbables se tissent. Le roman est une symphonie dont les chefs d'orchestre sont Colum McCann et Philippe Petit : sachez que lors de son exploit, Petit danse sur son fil. Et le lecteur avec lui : arrivé à la fin de ce chef d'oeuvre en forme de puzzle qui s'est construit patiemment, nous sourions, nous dansons et nous saluons.
Chapeau l'artiste, je crois que tu viens de faire mieux que Les Saisons de la nuit (qui, je le rappelle existe en poche, chez 10/18)

Signé Stéphane.

* Le titre de l'article renvoit (je m'en suis rendu compte en cherchant l'article dans ma bibliothèque) à l'article de Paul Auster dans L'Art de la Faim, un receuil d'essais. Paul Auster avait découvert Philippe Petit à Paris en 71 (voltige entre les deux clochers de Notre Dame) et l'avait retrouvé à New York en 74, en rentrant à la maison, au bon moment. Il avait encouragé et aidé le funambule à faire publier ses écrits après les avoir lus. D'où cette préface pour le livre de Petit, en 82.
Et le mot de la fin sera donc pour mon Paulo que j'aime tant et qui pourrait être adapté au roman de McCann: "C'est alors que je compris l'aspect le plus important de l'art du funambule : il nous réduit tous à notre commune humanité."
Un p'tit bonus vintage :

http://www.metacafe.com/watch/1494750/world_trade_centre_high_wire_stunt_1974/

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