Walking dead* : sur Le Pied Mécanique de Joshua Ferris - une lecture critique de Stéphane
Rassurez-vous, il n'y aura ni Zombie (quoique) ni fin du monde (quoique).
C'est un roman étonnant et envoûtant. Vous avez déjà lu une bande rouge signée Stephen King (parait qu'il est payé pour) où il vous dit que tel roman vous hantera longtemps après la fin... Ouais, bah, c'est rarement le cas, hein?! Avoir un souvenir d'un livre et y penser constamment parce qu'il vous a troublé, ce n'est pas tout à fait la même chose, non?
Le Pied Mécanique - The Unnamed ** en anglais - est tout cela.
Tim Farnsworth est avocat à New York, marié, père et propriétaire d'une belle maison. Il est heureux. Mais il est également atteint d'une maladie inconnue, inédite et curieuse : pendant deux longues périodes, dans le passé, il a été possédé par une envie irrépressible de marcher et cette compulsion, cette force a bouleversé sa vie (familiale et professionnelle).
Lorsque le roman commence, le lecteur ne sait pas ce qui se passe ("Ca recommence" dit Tim, après quelques pages) et ne comprend pas le comportement curieux de sa femme, Jane, qui le couvre de vêtements chauds. Avec cette scène étrange et inquiétante, vous plongez dans un univers incroyable. Tim est de nouveau malade.
Dans une interview, Joshua Ferris dit d'ailleurs que l'important, au départ du projet, c'était la maladie elle-même. Rapidement, cette version primitive a montré ses limites et il a retravaillé.
"Il regarda ses jambes. Il avait l'impression de voir un film, montrant en caméra subjective les jambes d'un marcheur olympique. L'impuissance, la terreur. Où sont les freins? La direction est bloquée. Je suis prisonnier d'une machine folle."
Car les pages magnifiques sur les marches compulsives de Tim, mêlant étrangeté et poésie, forment la toile de fond de l'autre grande réussite du roman : la relation entre Tim et Jane. Rarement ai-je lu un texte où l'amour de deux personnes, au-delà de tant d'épreuves si douloureuses, arrive à ce degré de beauté. A la fin du roman, la scène d'amour, leur "minute de triomphe" sur leur corps, est une pure merveille de concision et de splendeur.
Le Pied Mécanique est un grand roman et son auteur a une écriture d'une précision incroyable, capable de moments surprenant de poésie et d'émerveillement.
Ca débute comme ça :
" L'hiver était impitoyable. Les vents roulaient sur les fleuves, la glace tombait du ciel comme un dard empoisonné."
Signé Stéphane.
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* L'autre titre envisagé était Dead Man Walking, La Dernière Marche en français, superbe film de Tim Robbins, dans les années 90, sur un condamné à mort...
** L'excellente traduction assurée par Dominique Defert reprend le titre de la première partie : toutes les parties du roman ont pour titre un vers tiré du poème After great pain d'Emily Dickinson, la poétesse américaine qui, il est important de le préciser, vécut recluse les dernières années de sa vie...