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SERENDIPITY

L'enfer à portée de main : sur Des Noeuds d'acier de Sandrine Collette - une lecture critique de Stéphane

16 Mai 2013, 18:09pm

Publié par Seren Dipity

C'est un premier roman d'une violence rare. La nouvelle collection polar chez Denoël , Sueurs Froides, vient de produire un texte magnifique et terrible.

Sandrine Collette, Des Noeuds d'acier.

Ca débute comme ça :

"Il a fallu du temps pour que ce petit coin de pays se défasse du souvenir de l'effroyable fait divers qui l'a marqué au cours de l'été 2002."

Mais la première page ne plante pas que le décor, elle laisse entendre le pire. "La France profonde. La misère sociale. Une population locale issue de générations entières de consanguins ou d'alcooliques, les deux le plus souvent, dans un environnement semi-montagneux où la dispersion et la rareté de l'habitat ont trop longtemps restreint les échanges et la communication. Voilà ce qu'on en a dit dans les médias. Voilà ce que la nation a retenu. Merci les journaleux."

Des trucs à sensations, des demies vérités pour vendre des torchons. Un contrat de lecture n'engage pas que celui qui l'écrit mais aussi celui qui le lit. Ne signez rien, méfiez vous de tout.

Et de tous. Des chiens, des vieux, des vieilles. De tous.

C'est l'histoire de Théo Béranger, receuilli par une femme, infirmière ou aide-soignante, qui a retravaillé le journal de Théo, presque incompréhensible en l'état. "[...] et pourtant, j'en ai vu défiler, des détraqués, en vingt d'exercice. Tous m'ont prouvé, les uns après les autres, que les histoires vraies dépassent l'imagination dans ce que l'homme peut avoir  de déséquilibré et de dangereux.

Car ceci est une histoire vraie."

Contrat encore. Nécessaire pour notre lecture. Jouez le jeu de ce que nos amis poètes anglais appellent "a willing suspension of disbelief"*, vous serez récompensés par l'enfer.

L'histoire de Théo commence à sa sortie de prison. Il a purgé dix neuf mois, au lieu de quatre ans.  Il a tabassé son frère après découvert qu'il avait couché avec sa femme. Son frère a fini en fauteuil et lui au trou. "Certains ressortent écrasés par la prison, d'autres endurcis; je suis de ceux-ci. Avec une conscience aiguë des choses pour lesquelles cela vaut la peine de cogner et celles qui ne le justifient pas."

"Dix-neuf mois au seuil de la violence, au bord du gouffre."

Ce n'était rien à côté de ce qui l'attend.

A sa sortie, il va voir son frère malgré l'interdiction qui devrait protégé l'infirme, juste pour profiter du spectacle. Il fuit, persuadé d'être poursuivi, il s'enfonce dans un coin reculé, une forêt montagneuse. Il se terre dans une chambre d'hôte tenue par une vieille dame, Mme Mignon. Au cours d'une de ses nombreuses promenades, il tombe sur une maison isolée où vivent deux vieux frères. Il devient leur esclave. "Quelque chose qui n'a pas d'humanité et qui trime pour les autres, à l'excès, jusqu'à la mort." Luc, un autre homme, est là depuis huit ans. L'enfer commence. "Une histoire sans queue ni tête, aberrante, anachronique."

En ai-je déjà trop dit?

Bien sûr que non. Tout ça n'est rien et ne dit rien de la puissance du texte de Sandrine Collette. L'écriture est simple, et c'est de cette fausse simplicité que le roman tire son efficacité. Le huis clos est étouffant, l'horreur parfois difficilement soutenable.

Une telle claque n'est pas fréquente. Si vous aimez les textes forts et les gifles, n'hésitez pas.

 

Signé Stéphane.

_________________

* La phrase est de Coleridge, le poète anglais, fait référence à l'abandon volontaire de l'incrédulité, de la part du lecteur ou du spectateur, afin d'apprécier pleinement un spectacle ou une oeuvre de fiction. Tout petit, nous faisons cela inconsciemment en acceptant l'idée que le petit chaperon rouge puisse ressortir du ventre du loup... Ici pas besoin de se forcer très violemment...

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