Land of hope and dreams* : sur L'Extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire IKEA de Romain Puértolas - une lecture critique de Stéphane
C'est déjà l'un des succès inattendus de la rentrée, la nouvelle surprise et le dernier cadeau des éditions Le Dilettante (latest but not last** & last but not least) :
L'Extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire IKEA.
Rien que le titre est une aventure mais si il n'y avait que ça!
Ca débute comme ça :
"Le premier mot que prononça l'Indien Ajatashatru Lavash Patel en arrivant en France fut un mot suédois."
Une entrée en territoire et en matière qui sied parfaitement au roman : croyez-moi vous n'en avez pas fini des voyages et des mots, de la bonne humeur et des joies mystérieuses de la prononciation. Dans ce roman aux personnages hauts en couleurs comme sa couverture, Ajatashatru va vous faire voyager, rire et rêver. Et vous indigner aussi, vous jetant à la figure le sort des clandestins...
De rencontres en rencontres, de variations hilarantes sur son nom (des premières "J'attache ta charrue, la vache" jusqu'aux dernières "Je-chante-dans-la-rue") en variations sur son être intime (du fakir menteur comme un arracheur de dents, ou plutôt avaleur d'écrous, en homme bon qui cherche son salut dans les bras d'une Marie!), le roman vous promène du Rajasthan en Lybie en passant (fissa) par la France, l'Angleterre, l'Espagne et l'Italie.
Si Ajatashatru est en France, ce n'est que pour une journée, le temps d'acheter un lit en promo à IKEA, un lit à clous : le fameux Kisifrötsipik spécial fakir! Les habitants de son village au Rajasthan se sont cotisés pour lui payer le voyage et le lit... Faut dire que Ajatashatru est une star et un saint dans son bled - qui ne voit que du feu aux tours de passe-passe du fakir. Sa rencontre avec Marie dans le célèbre magasin suédois, peu de temps avant sa folle équipée sauvage à travers et au-dessus de l'Europe, va bouleverser sa manière de vivre en profitant des autres. Et il sera encore ébranlé quand il rencontrera des clandestins soudanais...
Rien ne se passera comme prévu, et sous la plume tendre, farfelue de Romain Puértolas, un univers bourrée de références culturelles drôles (de A comme Aznavour "Emmenez-le!" à Z comme Zemekis et son Forrest Gump), Ajatashatru va effectivement vivre un voyage extraordinaire dans la grande tradition du roman picaresque - et le lecteur avec lui! Une fraîcheur et un bonheur de lecture qui rappellera brièvement le grand voyage d'Allan qui refusa de fêter son centième anniversaire... Souhaitons à Romain Puértolas et son héros le même succès que Jonasson et son vieil artificier! Ca sera mérité!
Comme Le Dilettante fait (toujours) bien les choses, vous pourrez suivre, sur leur site l'avalanche de bonnes revues qu'a reçu le roman (même au Masque, imaginez ça!) :
http://www.ledilettante.com/livre-9782842637767.htm
Et le livre est en lice pour le Renaudot... imaginez ça! Un livre gai et fleuri dans les prix de l'automne!?! Y a vraiment plus de saisons, ma pauv' dame!
Signé Stéphane
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* C'est à peu près l'idée que les clandestins se font de l'Angleterre, ou de la France, ou de l'Italie... euh, non, pas l'Italie! Et sinon, y a le New Jersey : ICI (pour les nouveaux venus, je rappelle le chalenge : donner un titre de Springsteen à mes papiers de la rentrée)
** Un nouveau Anna Gavalda arrive en octobre. Ce n'est pas encore cette année que je reverrai la tendre Anna. Elle boude, crois-je savoir mais en espérant me tromper, les grandes surfaces culturelles au profit des libraires de quartier même quand ceux-là ne sont pas, habituellement, des fidèles du Dilettante. That's life!