You're missing* : sur Les Disparus de Mapleton de Tom Perrotta - une lecture critique de Stéphane
Malgré deux excellents romans parus aux éditions de L'Olivier, Les Enfants de choeur (Little children, 2004) et Professeur d'abstinence (The abstinence teacher, 2007), et malgré les adaptations** de ses romans, Tom Perrotta n'est pas très connu chez nous. Gageons que Les Disparus de Mapleton, bientôt adapté par HBO, aidera à changer tout ça.
J'ai longtemps cru que Les Enfants de choeur avaient servi de base pour l'écriture de la série Desperate Housewives -mais, après vérification, non. Mais ça vous donne une idée (Perrotta est moins léger). Perrotta aime peindre les petites villes bourgeoises et légèrement somnolentes des Etats Unis. L'intimité et le rapport à l'autre, la promiscuité et l'indiscrétion, le couple et la solitude, l'indépendance et le poids de la religion dans la société - voilà les thèmes que Tom Perrotta aime développer, avec sensibilité, humour et toujours une bonne dose d'empathie.
Les Disparus de Mapleton (The Leftovers, traduit par Emmanuelle Ertel - comme Les Enfants de choeur) s'inscrit dans le prolongement de cette observation d'une certaine Amérique.
Ca débute comme ça :
"Laurie Garvey n'avait pas été élevée dans la croyance au Ravissement. Elle n'avait pas été élevée dans la croyance en grand-chose à vrai dire, sinon en l'ineptie de la croyance elle-même."
Et pourtant... le Grand Ravissement a eu lieu, un 14 octobre. Des milliers de personnes qui disparaissent en une seconde.
Il vous faut juste l'essentiel quand on lit un vrai roman, ce que le poète appelle "a willing suspension of disbelief"***, pour entrer à Mapleton. Vous ne le regretterez pas, entrez dans Mapleton...
Alors que le titre français souligne ceux qui ne sont plus, le titre original insiste, lui, sur ceux laissés derrière : The Leftovers. Tout le monde a perdu quelqu'un. Qui ses enfants, qui son mari ou sa femme, qui une amie. Disparus. Et il y a les réponses que chacun tente d'apporter à l'impensable, au manque, à l'absence. La tentative d'oubli, de continuité. Les plus touchés ont rejoint une secte curieuse, les "Coupables Survivants". Laurie Garvey, l'agnostique du début qui n'a pourtant pas perdu un proche, y est entrée, laissant derrière elle son mari, Kevin, et ses enfants, Tom et Jil. Les membres de cette famille vont être le centre de gravité du roman, en alternance. Nous suivons les errances de ces personnages dans leurs relations, dans leurs quêtes d'une autre vie. Ils vont vivre l'éloignement, l'égarement, des rapprochements incertains et même dangereux, de nouvelles intimités dans le silence et le doute.
Nous n'aurons pas d'explication concernant le Ravissement, preuve que ce n'est pas ce qui intéresse Perrotta. Il n'est pas du côté du divin, ou alors dans les dérives du fanatisme, de leur emprise sur la plèbe et des manifestations religieuses dans la vie des américains, il est du côté de l'humain. Et ça fonctionne vraiment.
Signé Stéphane
Tom Perrotta, Les Disparus de Mapleton (The Leftovers), traduit par Emmanuelle Ertel, audiobook lu par Dennis Boutsikaris.
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* Là. Nous continuons d'utiliser les titres de Sprinsteen pour les papiers de la rentrée !
*** La phrase de Coleridge préside tout naturellement notre découverte du monde, enfant. Voir l'article wiki, ici.