Anti-hérault : sur Le Secret d'Edwin Strafford de Robert Goddard - une lecture critique de Stéphane
Robert Goddard, malgré son nom, est anglais. A la lecture de ce roman qui est, rappelons-le, son premier roman, publié initialement en 1986, il est même british jusqu'au bout des ongles. On a le droit à tout : l'Empire, la politique anglaise (Churchill, Lloyd George), le flegme britannique, la retenue anglaise, la campagne et ses cottages, Cambridge, etc. La totale.
Et Robert Goddard est historien de formation. A la lecture de ce roman ambitieux qui voyage dans une partie du vingtième siècle et du globe, qui mélange personnages de fiction et personnalités historiques (Churchill, Lloyd George, Asquith - excusez du peu), on se dit que l'histoire et l'Histoire n'ont jamais fait aussi bon ménage.
Et Robert Goddard s'est imposé comme un merveilleux conteur. A la lecture de ce roman dont le titre original est Past caring (allez, trichons un peu sur le sens) avec cette enquête confiée à un historien chargé d'explorer le passé, l'Angleterre du début du XXème siècle revit de manière fabuleuse.
Bon, je n'ai pas le livre à la maison donc la bonne nouvelle, c'est que je vais vous épargner les citations... [bon, j'ai finalement emprunté le roman pour jeter un oeil à la traduction de Catherine Orsot Cochard...] J'ai écouté le roman lu par Paul Shelley, un habitué de Goddard et d'autres auteurs anglais, dont l'accent purement british sied parfaitement au roman.
Le roman débute en 1977 et l'intrigue est rapidement lancée lorsque Martin Radford est invité sur l'île de Madère par un ami, et qu'il y rencontre Sellick, un homme qui va lui proposer de se pencher sur le mystère entourant Edwin Strafford, l'ancien propriétaire de la villa. En 1908, Strafford star montante de la politique anglaise se retrouve, très jeune, propulsé ministre de l'intérieur dans le cabinet d'Asquith. Il a pour collègues Lloyd George et Churchill. L'agitation causée par les Suffragettes - ces femmes militant pour le droit de vote des femmes - ne l'inquiète pas trop. Il n'est pas contre mais sait que du temps est nécessaire pour que les choses changent. Sa rencontre avec une jeune suffragette va modifier sa vie. En 1910, il démissionne et disparait de la vie politique.
Sellick propose à Martin Radford d'enquêter sur les raisons qui ont poussé Strafford à s'exiler sur Madère.
Il dispose des Mémoires de Strafford qui ne sont pas d'une grande aide - Strafford ne semble avoir jamais su pourquoi tout ça lui arrivait.
De retour en Angleterre, Radford va découvrir que son enquête historique gêne de nombreuses personnes et que le passé importe* encore, soixante ans après les faits, importe suffisamment pour que des personnes soient prêtes à tuer pour que ce passé demeure enterré et oublié.
Le reste, c'est dans le roman que vous le trouverez.
Et vous trouverez un style classique, et un art du récit et du suspense impressionnants pour un premier roman. L'efficacité à l'anglaise!
Ca débute comme ça :
"En 1977, au printemps, j'avais tout juste 30 ans et ma situation n'était pas brillante. "
Signé Stéphane
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* Le titre original, Past caring, peut se traduire par 'plus intéressé' (I'm past caring - cela ne m'intéresse plus, ne me touche plus) mais l'expression est bien sûr réinvestie, ici, de plusieurs significations, liées aux destins des personnages et à l'importance du passé pour -et de- chacun. Pris isolément, le passé devient même, dans le titre, quelque chose qui compte...