Perdu(s) : sur Chanson pour l'absente de Stewart O'Nan - une lecture critique de Stéphane
Stewart O'Nan n'est pas encore très connu en France. Et pourtant, comme Michael Collins (chez Bourgois) dans un autre genre, il est l'une des voix les plus talentueuses de l'Amérique des petites villes, des malls, des quartiers résidentiels.
Son dernier roman, Chanson pour l'absente, vient de paraître chez L'Olivier (comme tous ses romans d'ailleurs _ preuve supplémentaire, s'il en fallait, de la grandeur de cette maison)
A travers ses romans, Stewart O'Nan explore le deuil, la perte, la disparition, l'éclatement. Ca n'a pas l'air drôle comme ça. Non. D'un autre côté, on n'est pas toujours là pour se marrer.
Je disais ça à une cliente hier : je lis pour me marrer ou pour être remué. Tout ce qu'il y a entre me laisse assez indifférent. Vous savez, le livre que vous ne finissez pas ou que vous terminez mais en remarquant, souvent à haute voix (des fois que quelqu'un puisse vous contredire) : Ouais, à quoi bon?...
Stewart O'Nan ne vous laisse pas indifférent. Dans son dernier roman, Chanson pour l'absente, on plonge dans le quotidien d'une famille dont la fille ainée a disparu. Le combat incessant des parents, l'espoir, la culpabilité, la fatigue, le découragement _ la vie : ce qu'il en reste pour les amis, la famille, la communauté.
Stewart O'Nan explore le vide mieux que personne et sait faire résonner l'humanité de chaque personnage avec des détails infimes.
C'est brillant et profond, tout simplement.
Voici l'ouverture du roman :
"Description de la personne avant disparition
Juillet 2005. C'était l'été de sa Chevrolet Chevette, de J.P., de ses cheveux longs. Le dernier été, le plus beau, celui dont ils avaient rêvé depuis sa classe de quatrième, la fierté de pouvoir flâner après la terminale, un prolongement de leur meilleure année. [...]
Les péchés du Midwest : platitude, vacuité, résignation à l'ordinaire. Quel charme y a-t-il à être enterrée vivante? A vieillir?"
Les deux dernières phrases citées sont assez lourdes de sens, en ouverture d'un roman sur une disparition...
Si vous ne connaissez pas encore Stewart O'Nan, je vous invite à le découvrir (liste des romans en bas de page). Et s'il fallait n'en garder qu'un, ça serait Le Pays des Ténèbres.
C'est devenu une petite habitude ici. On aime connaître les 5 livres que les auteurs emporterait sur une île déserte. J'ai donc posé la question à Stewart O'Nan. Il m'a répondu très gentiment. Et quand j'en ai parlé à Jean-Philippe, il m'a fait remarquer, très justement, que j'aurais pu également lui demander ses 5 desert island records, puisqu'on trouve de nombreuses références à la musique dans ses romans. Stewart O'Nan m'a encore écrit un petit mot très sympa.
5 desert island books :
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En bonus, une rencontre avec Stewart O'Nan (in english) :
http://www.youtube.com/watch?v=q2KMWgTiFAQ
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La bio de Stewart O'Nan, sur editionsdelolivier.fr :
Stewart O'Nan, né en 1967 à Pittsburgh, vit à Avon (Connecticut).
Après des études d'ingénieur en aérospatiale à l'université de Boston, il travaille cinq ans comme ingénieur aux essais chez Grumman Corporation Island. Parallèlement, il obtient une maîtrise d'écriture à l'université de Cornell et dirige ensuite un cursus d'écriture à Trinity College à Hartford (Connecticut).
Le succès de ses livres, aux États-Unis mais aussi en Europe, lui a permis récemment de renoncer à l'enseignement pour se consacrer à plein temps à l'écriture.
Outre ses nombreux romans, il a publié plusieurs essais : The Circus Fire: A True Story of an American Tragedy (2001), Faithful: Two Diehard Boston Red Sox Fans Chronicle the Historic 2004 Season (avec Stephen King, 2005) ou encore My New Orleans (2006).
« Qu'il écrive sur la guerre du Viêtnam (Le Nom des morts, en 1999), celle du Pacifique (Un monde ailleurs, en 2000) ou sur la guerre de Sécession (Un mal qui répand la terreur, en 2001), Stewart O'Nan est salué comme l'un des romanciers américains les plus originaux pour la force de son style, au même rang qu'Henry Miller ou Philip Roth. Cet ancien ingénieur, adepte de Stephen King comme de Dostoïevski, pose la question séculaire de la foi face aux barbaries humaines » (Philippe Perrier, Lire).
Des anges dans la neige est en cours d'adaptation cinématographique par David Gordon Green.
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Romans de Stewart O'Nan, traduits en français (tous existent en poche chez L'Olivier ou en Point) :
Des Anges sous la neige, 1997
Speed Queen, 1998
Le Nom des morts, 1999
Un Monde Ailleurs, 2000
Un Mal qui répand la terreur, 2001
Nos Plus beaux souvenirs, 2005
Le Pays des Ténèbres, 2006