Un peu plus près des étoiles : sur Je n'ai pas dansé depuis longtemps de Hugo Boris - une lecture critique de Stéphane
J'ai été réveillé par les infos de France Inter. Ca aurait pu être pis : j'aurais pu être réveillé par Gold et son Capitaine abandonné sur Radio Nostalgie (est-ce que cette radio existe encore???) On annonçait le dernier vol spatial américain d'Endevaour. Y a plus de pognon pour visiter les étoiles -tout fout le camp ma pauv' dame!
Ca tombe bien : je me suis endormi après avoir lu le troisième roman de Hugo Boris, Je n'ai pas dansé depuis longtemps (Belfond). J'avais lu La Délégation norvégienne (Belfond et Pocket), il y a trois ans, et je pensais qu'après un huis clos plutôt réussi dans le grand nord norvégien, un huis clos dans les étoiles était l'étape logique. Je ne vais pas mentir : la première partie du roman est lente et parfois fastidieuse mais elle est essentielle à la construction de l'intrigue. Très documentée, on y découvre les préparatifs et le décollage vers la station MIR de trois cosmonautes dont Yvan, "cobaye" choisi pour être le premier homme à rester 400 jours en orbite.
Cette ouverture -cette mise en orbite- du roman sert de terreau pyschologique (plus que technique) au reste du voyage. Et le mot terreau n'est pas innocent ici : en apesanteur le lien à la Terre et à la terre végétale est exacerbé. Subitement, c'est l'image de Robinson dans Les Limbes du Pacifique de Tournier qui me vient à l'esprit : Robinson et l'amour tellurique, cette pénétration de la terre pour y avoir des racines humaines... D'ailleurs, ici aussi, c'est le rapport à l'autre et à l'espace qui sont en jeux.
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Coïncidence, j'écoute Pearl Jam en écrivant et, à l'instant, cette phrase :
And sometimes is seen a strange spot in the sky
A human being that was given to fly
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La lente perte de repères et d'attributs humains (temps, espace, communication, peaux, muscles) est distillée dans le roman de manière subtile et inquiétante, et le roman, en plus d'être une formidable plongée réaliste dans l'univers des cosmonautes, est aussi une réflexion sur notre humanité et notre lien à la terre.
Ainsi l'image magnifique de cet ancien astronaute qui, revenu sur Terre ne marche plus que sur le macadam, pour ne pas abîmer... l'herbe.
Signé Stéphane.