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SERENDIPITY

Badlands* : sur Une Certaine vérité de David Corbett - une lecture de Stéphane

9 Octobre 2013, 10:20am

Publié par Seren Dipity

Le premier roman traduit en français de David Corbett n'est pas son premier. Les éditions Sonatine aiment frapper fort pour faire découvrir un auteur (souvenez Ellory - dont on va très vite reparler- ou  de Jesse Kellerman**)

Une Certaine vérité, Blood of Paradise en vo, est paru en 2007 et s'ouvre sur une citation tirée du New York Times, qui en dit déjà pas mal : "Le modéle pour l'Irak aujourd'hui n'est pas le Vietnam, comme on le pense souvent, mais le Salvador."

Welcome to the jungle!

Jude McManus est resté au Salvador après avoir servi dans l'armée sur place. Il est devenu garde du corps et, au moment où s'ouvre le roman, il travaille à la protection d'un ingénieur hydrologue qui bosse pour un consortium américain. Sa vie est partagée entre le boulot, les potes de l'agence de sécurité et son intérêt pour une jolie américaine.

Il reçoit un jour un appel d'un fantôme : Bill Malvasio, l'ancien équipier de son père qui s'était volatisé dix ans plus tôt quand le trio des trois flics de Chicago avaient été arrêtés pour diverses magouilles. Entre temps, le père de Jude est mort (assez bizarrement) et l'autre membre, Stroke, du trio des "Maîtres du rire" ("pour se moquer des des pseudonymes des rappeurs et bien montrer que tout cela n'était qu'une vaste fumisterie.") a descendu la pente de l'alcool vers le caniveau et l'oubli. Bill Malvasio veut le rencontrer et lui faire une offre. Malgré les risques liés à une rencontre avec un homme recherché par son pays, Jude accepte de jouer l'intermédiaire et ramener Stroke au Salvador. Il vient de mettre le pied dans un nid de serpents dont il n'a pas la moindre idée et dont les morsures vont tuer beaucoup, beaucoup de personnes dans les 500 pages suivantes.

David Corbett connait parfaitement le Salvador et les réseaux qui tiennent le pays. Ces réseaux sont complexes et profonds, comme les sources d'eau que l'hydrologue est chargé d'analyser (même si ces sources sont beaucoup plus fragiles et en péril).

" 'Je peux te demander quelque chose? déclara Malvasio d'un ton froid sans être hostile pour autant. Tu m'as dit que ton client s'occupait des questions d'eau pour une usine de soda, dans l'est du pays, c'est bien ça?

- Oui. A San Bartolo Oriente. L'usine se trouve dans le Rio Conacastal.

- Est-ce que tu sais qui sont les investisseurs dans cette opération?

- Spécifiquement?

- Est-ce que tu sais de qui il s'agit? répéta Malvasio.

- Ce n'est pas vraiment mon domaine.

- Donc, si ça se trouve, ceux qui bossent avec ton hydrologue sont peut-être des ordures de la pire espèce. La même racaille qui a financé les escadrons de la mort et qui est responsable des pires atrocités. Pas vrai? Dis-moi si je me trompe!'

Jude n'aimait pas du tout le tour que prenait la conversation.

'Non. C'est effectivement une possibilité.

- C'est le prix à payer, ici. Avec le boulot qu'on fait. Tu veux avoir les mains propres, change de pays.' "

Les ramifications mafieuses sont tentaculaires, de plus haut niveau jusqu'à la rue aux mains des maras, les gangs locaux - même, et surtout, après les accords de paix de 1992 mettant fin à la guerre civile. L'intervention des Etats Unis n'a pas vraiment changé les choses. "Les élections libres, ils sont pour, tant qu'ils peuvent choisir le vainqueur."

Le portrait du Salvador fait frémir : "[...] un pays instable où le taux d'homicides battait des records, où la pauvreté était institutionnalisée, où l'environnement était en crise, où les riches saignaient l'économie, et où tous ceux qui regardaient vers l'avenir cherchaient à tout prix à quitter le navire."

L'intrigue est assez complexe mais David Corbett parvient à la rendre fluide en prenant son temps. Les nombreux personnages prennent corps sous la langue généreuse de Corbett. La tension est permanente, tant la violence est omniprésente, sans foi ni loi, sans amitié ni fidélité. Quant à la vérité, comme le dit Stroke : "le problème avec la vérité, c'est que ce n'est jamais la vérité."

Un roman noir, rythmé et implacable. Une lecture passionnante.

Signé Stéphane

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* ICI (petit rappel : tous nos papiers sur la rentrée 2013 sont titrés d'après une chanson de Springsteen - on s'amuse comme on peut!)

** qui depuis a quitté Sonatine pour les Deux Terres, sans jamais reproduire le plaisir de Les Visages (voir papiers sur serendipity)

 

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