Out in the street* : sur Silo de Hugh Howey - une lecture critique de Stéphane
Il y a quelques années, les éditions Actes Sud ont lancé une nouvelle collection, Actes Noirs. Le titre inaugural était Les Hommes qui n'aimaient pas les femmes, le premier tome d'une trilogie explosive, Millenium. On se souvient du succès qui vint après quelques mois.
Une autre nouvelle collection vient d'être lancée, Quartiers Lointains/Exofictions, qui abritera, elle, des textes de science-fiction et de fantaisie. Souhaitons leur le même succès avec cette collection qu'avec la noire.
Et le titre qui ouvre le bal - on imagine le soin apporté au choix de celui-ci - est encore une trilogie : Silo (Wool en vo.) de Hugh Howey.
Le titre a eu un succès suffisamment important en version numérique autonome aux Etats Unis pour qu'un prestigieux éditeur le publie en papier. Initiallement une nouvelle, Wool, a été publié en ebook par l'auteur via le site Amazon. Devant l'intérêt et le succès rencontrés, il a poursuivi l'histoire, découpant ce qui se transformait en série en plusieurs "livres". Neuf au total. Ce que nous avons ici, ce sont les cinq premiers qui forment un tout - l' "omnibus" Wool. (Les livres 6 à 8 forment la préquelle et le 9, le vrai finale...)
Bon, autant l'avouer au seuil de ce papier : je ne lis que rarement de la science fiction. Ca tombe bien, me direz-vous, Silo n'a de science-fictionesque que le calendrier.
Et le fait que l'auteur habite à Jupiter.
En Floride.
Silo se déroule dans un futur indéterminé, dans un monde post-apocalyptique.
Ca débute comme ça :
"Les enfants jouaient quand Holston montait vers sa mort; il les entendait crier comme seuls crient les enfants heureux."
L'air extérieur est devenu si toxique et meurtrier que les quelques centaines de survivants sont terrés dans un silo : un complexe de 144 étages sous la surface de la terre, à l'organisation millimétrée et stricte. Les naissances sont contrôlées, en fonction des morts, naturelles ou non. Les paroles et les pensées si elles sont tabous peuvent mener à la punition ultime : être envoyer dehors, "nettoyer". Nettoyer ce qui permet aux gens d'en bas de voir l'extérieur. Nettoyer veut dire mourir : personne n'en réchappe.
Le roman s'ouvre sur un nettoyage, effectué par Holston le respecté shérif qui a décidé de rejoindre sa femme, elle-même envoyée au nettoyage trois ans auparavant après avoir découvert des vérités cachées au coeur du système informatique géré par le fourbe Bernard. La scène du nettoyage de Holston et sa réunion, dans la mort, avec sa femme est superbe ("Mieux valait rejoindre un fantôme qu'être hanté par lui.") Elle clot le premier livre et fait place à l'histoire de Jahns, la maire du silo.
"[...] Jahns dut admettre une vérité terrible au sujet du nettoyage de la veille : cette pratique barbare apportait plus qu'un soulagement psychologique, qu'un éclaircissement de la vue extérieure - elle renforçait aussi l'économie du silo. On avait soudain un prétexte pour voyager. Pour acheter. Et alors que les bavardages allaient bon train, que les familles et les vieux amis se revoyaient pour la première fois depuis des mois voire des années, une vitalité nouvelle était injectée dans tout le silo. C'était comme un vieux corps qui s'étirait, se dérouillaot les articulations, dont le sang se remettait à circuler jusqu'aux extrémités. Une chose décrépite reprenait vie." Le second livre est une véritable visite guidée du silo, aux côtés du maire Jahns alors qu'elle descend tout en bas afin de rencontrer une certaine Juliette à qui elle veut proposer le poste de shérif. Cette fameuse Juliette va devenir l'héroine des trois livres suivants. Et une sacrée!
Je n'en dirai pas plus sur les rebondissements qui vont mener Juliette au nettoyage et toutes ses découvertes, ça serait dommage. Ce que je peux dire en revanche, c'est que Hugh Howey est un sacré conteur qui a bien digéré l'héritage de la dystopie et de la littérature post-apocalyptique. Ce Silo est à l'image de notre société, et les secrets de son fonctionnement et de ses origines sont bourrés de révélations sur notre présent.
A découvrir d'urgence. Et plus tard, vous pourrez dire que vous n'avez pas attendu le succès de la série pour la lire.
Signé Stéphane
Lu/écouté en audiobook, narré par Amanda Sayle (ma Juliette, c'est elle!)
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* Springsteen aimant plutôt le bitume que les silos souterrains... ICI ! Du coup, je regrette de ne pas avoir choisi Dylan : quand aurais-je eu l'occasion d'utiliser Subterranean homesick blues ?!?